dimanche 11 juin 2006

La parabole de l'A68. 

A un moment, j’ai cru que je ne m’en sortirai pas, que j’allais être condamnée à rouler plein sud pendant des heures, peut-être même jusqu’à la frontière anglaise.
Une file de voiture derrière, et je roule trop lentement. Je le sais, que je roule bien trop lentement, à peine 50mph sur une route limitée à 60, mais j’ai déjà peur, et juste envie de freiner, de m’arrêter sur le bas coté, de fermer les yeux et de me réveiller sous ma couette.
Dire que j’aimais tant conduire, avant. Et qu’aujourd’hui je me retrouve une fois de plus avec une envie de pleurer.
Impossible de perdre le controle, il y a cette file de voitures qui me suit, des tas de conducteurs qui doivent rêver de me doubler, et je ne sais pas comment m’en sortir. Alors je continue à rouler, en me disant que chaque mile me séparant d’Edimbourg est entrain de compter double, puisqu’il faudra bien rentrer.
C’est con, pourquoi je ne tourne pas ?
Justement, il y a un petit chemin là sur la gauche.
Mais j’ai tellement peur que je ne suis pas sure de pouvoir rétrograder les vitesses.
Alors je reste bêtement en 4ème et je continue à rouler, aussi vite que je peux, plein sud, en suivant les virages de la nationale, sans pleurer.
La voiture dans mon rétro est noire, et j’ai un peu peur des voitures noires je crois. Non, en fait j’ai juste peur des voitures dans le rétro, elles me paniquent. Il me faudrait des routes où je serai systématiquement la dernière de la file. Sauf qu’à rouler si lentement, je reste la première, et mon rétro est plein.
Je ne sais pas vraiment pourquoi je n’ose pas mettre mon clignotant, freiner et bifurquer, comme si quelqu’un derrière allait hurler au scandale, comme si je n’avais pas le droit de tourner si j’en avais envie, comme si je ne pouvais pas décider de mon chemin, comme si ma direction allait, à partir de maintenant et pour toujours, être dictée par une putain de voiture noire dans le rétro, et par son conducteur, probablement totalement inconscient des réflexions paniquées de la fille qui conduit la 306 rouge, là, juste devant, mais enfin elle pourrait accélérer un peu quoi, c’est dimanche et il fait beau, certes, mais quand même.

J’ai finalement réussi à tourner sur un chemin, un petit chemin qui partait sur la droite, après une voie de décélération qui m’a permis de rétrograder sans gêner la voiture noire de derrière.
Et dans mon soulagement d’être enfin libre, j’ai débouché sur un champ d’éoliennes, moi qui les déteste tant.

A ne pas m’accorder le droit d’être libre, il ne me reste plus qu'à me satisfaire de ce que je n'aime pas, finalement.
|